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  • Gaston

     

    Donc, Enrico Macias est toujours sarkozyste. Il réitère au Président Zébulon le soutien sans faille qu’il lui avait apporté en 2007. Reconnaissons le, il à le goût du risque, que sont en effet devenus les Faudel et les Doc Gynéco, l’engagement politique des artistes n’est pas forcément sans conséquences. Je laisserai de coté le cas Mireille Mathieu, me contentant de rappeler à son égard la formule lapidaire de Pierre Desproges, citant Bedos: « Mireille Mathieu n’est ni à gauche, ni à droite, elle est là où on la pose ! »

     

    Etonnant que même que le gars Gaston Guenassia, c’est le vrai nom d’Enrico, connu dans ses chansons pour être un chantre de la tolérance (enfants de tous pays et de toutes couleurs), étonnant donc, après un quinquennat parsemé de propos nauséabonds de Guéant et de Brice Hortefeux notamment, que Macias adhère encore en 2012 à la doctrine sarkozyste. Est il devenu sourd ?

    Mais, trêve de digression politique et arrivons maintenant à la vraie raison qui me pousse à rédiger ce billet. Le retour d’Enrico à l’avant scène politique m’a rappelé une furtive anecdote qu’il me semble drôle de vous narrer.

    C’était il y a quelques années, par un dimanche sans doute pluvieux, je laissais aller ma mélancolie quotidienne en zappant sur les chaînes de télé. Je tombais donc, fortuitement et sans douleur, sur l’  « Ecole des Fans » d’Enrico Macias présentée par feu Jacques Martin. Pour mémoire, puisque je parle d’un temps que les moins de vingt ans patati, patata…. Pour mémoire donc Jacques Martin fut, dans les années soixante avec Jean Yanne, dans les septante avec d’illustres rigolos qui firent carrière après, notamment Desproges cité plus haut, puis jusque dans les années quatre-vingt –dix, Jacques Martin fut donc un trublion de ce qu’on appelait pas encore le Paysage Audiovisuel Français.

    Dans son « Ecole des Fans » donc, Enrico se prit à déclarer, avec toute la véhémence qu’on lui connaît : « Un pays qui chante est un pays heureux, un pays positif !» (Je vous laisse le faire avec l’accent). Dans l’instant même, Martin se met au pas de l’oie, entonnant le bras levé : « Heili, heilo……. » air connu de la Glorieuse Allemagne ! Pris à contrepied, le chanteur « poï poï », fut un instant interloqué avant d’éclater de rire, nullement vexé et ami qu’il était avec Jacques Martin. Amusant, non ?

     

  • Entretien d'évaluation

     

    Ce matin, il a son entretien d’évaluation mensuelle. C’est fixé comme ça dans l’entreprise, chaque mois, entretien avec son chef, tout les collaborateurs y passent, ça ne dure généralement que quelques minutes mais c’est obligatoire, il doit contresigner le compte rendu, pour bien prouver qu’il a compris ce qu’on lui a dit, il doit contresigner, même s’il n’est pas d’accord, c’est comme ça ! Il trouve ça plutôt infantilisant cette histoire, pour ne pas dire humiliant. Il aurait 20 ans, ce serait son premier boulot, il pourrait, à la limite comprendre ! Mais il a passé la quarantaine et a eu une certaine expérience professionnelle, faite d’autres responsabilités que celles qu’il a maintenant avant d’atterrir sur cette voie de garage. Ce qui l’a amené à ce boulot sans espoir ? Les aléas de la vie, quelques soucis de santé, de malchance. Mais ici, dans l’Entreprise, quand il est arrivé, son passé, son expérience, ont été balayés, oubliés !

     

     

     

    Son chef est de l’autre coté du bureau, il a 15 ans de moins que lui, il n’a jamais travaillé que dans l’Entreprise, pas de point de comparaison, pas de recul, formaté.

     

     

     

    L’entretien se passe plutôt bien, il fait bien son boulot, le seul reproche que peut lui faire son chef, et il le fait chaque mois, c’est son attitude parfois négative :

     

     

     

    « Pas négative, réaliste, répond il avec un grand sourire, c’est presque un jeu entre eux, tu le sais bien qu’il y a toujours une merde, quand c’est pas les PC qui plantent, c’est la liaison Internet, quand c’est pas Internet, c’est la lumière dans les toilettes qui saute, ou la clim !

     

    8 heures par jour, ça donne des raisons suffisantes de protester !

     

     

     

    • Oui, lui répond le chef, mais, au regard des cases du tableau d’évaluation à la norme NF, tu as une attitude parfois négative………

    • Pas négative, réaliste, répond il en contresignant !

     

     

     

    Il se lève et rejoint son poste, l’entretien a duré trois minutes, trois minutes, c’est presque rien, quand il arrive, son ordinateur a encore planté !

     

     

     

  • Théatreux

     

    Nous sommes en 2004, il y a presque 2 ans, dans ce village, comme dans beaucoup de villages de France, les électeurs ont voté très fort au premier tour pour le Front National, on se souvient du choc qui en a suivi. Dans la commune, comme souvent, il y a une petite troupe de théâtre amateur ; j’aime beaucoup ces petites troupes de campagne : même si l’on y joue plus souvent de bonnes grosses farces rurales que du Valère Novarina, chacun, acteur comme public, y a sa place et puis, tout le monde comprend ce qu’il raconte, ce qu’il voit. Dans les salles des fêtes ou d’animation rurale, c’est selon, se dépêchent, quelques soirs par an, un public qu’on ne verra jamais dans les salles officielles, on vient en famille, le tarif le permet, certains même ont fait toilette. Ce petit théâtre rural mérite le même respect que celui, souvent subventionné, et parfois incompréhensible pour les masses laborieuses, dont certaines « élites » s’extasient avec bruit. Je connais depuis longtemps cette petite équipe de comédiens amateurs : depuis des années, Gérard, le fondateur et véritable âme du groupe a entraîné dans l’aventure famille et amis. Il me sollicite régulièrement pour un conseil, un coup de main pour une bande son, je l’aide avec plaisir, avec joie même, j’aime sa passion et son dévouement.

    Il y a deux ans, Gérard est décédé, brutalement, quelques jours avant les représentations, laissant à tous un sentiment de désarroi profond. Quelques semaines après, sa veuve me demande de reprendre l’affaire, de finir le travail commencé, devoir de mémoire. On a relevé la tête, j’ai repris le rôle de Gérard, c’était très émouvant, le spectacle a continué. En cet automne 2003, je décide de monter un spectacle différent, pas de pièce rurale cette année mais un spectacle de sketchs, cela permettra à chacun de se mettre réellement en avant, et ce sera plus léger pour tous, sauf pour moi, les acteurs ne seront pas obligés d’assister à toutes les répétitions. C’est un grand fourre-tout que ce spectacle : du Jean Yanne, qui vient de mourir récemment, du Topor, du Desproges. On monte également le délicat et cruel « Venise zigouillée », de Jean Michel Ribes.

     

    Je décide de terminer la soirée en interprétant « Les rues de Paris ne sont plus sures », extrait du deuxième spectacle de Desproges, ce sketch, violemment anti-raciste, raconte l’histoire de Monsieur Rachid Cherquaoui, épicier arabe ET travailleur qui reprend le commerce d’un Monsieur Lefranc, gaulois de souche, dont l’épicerie périclite : les mots de Pierre Desproges laissent un écho étrange dans ce village qui a peur des Arabes :

     

     

    « Pour des fainéants, c’est incroyable de voir à quel point les épiciers arabes se lèvent tôt et se couchent tard…… », écrit le provocateur.

     

     

     Le silence est glacé, mais c’est bon, trop bon, j’ai des frissons dans le dos ! Ils sont 10, peut être 15 à comprendre vraiment et leurs rires me font du bien. Ils viendront me toucher la main, me remercier quelques minutes après le spectacle.

     

     

     

    En Avril 2012, j’ai, depuis longtemps, quitté la troupe, Marine arrive deuxième au village, mon petit coup n’aura pas servi à grand-chose, je ne m’y attendais pas, mais, pour moi, ne pas être consensuel, se mettre en danger quand on est comédien, même amateur, c’est important !

     

  • Véto

     

    La gamine a 12 ans, adorable gosse qui ferait rêver bien des parents : à l’école tout va bien, sérieuse et appliquée, curieuse de tout, et, avec ça, un sens de l’humour et de l’autodérision peu communs pour son age. Un caractère bien trempé cependant, elle ne se laisse pas, comme ça, marcher sur les pieds, droite dans ses pompes la gosse !

    Des projets, des rêves, elle en à c’est sur, et son plus grand rêve, c’est de devenir vétérinaire, depuis l’age de 6 ans elle en parle, elle m’a dit un jour, en confidence : «  De toutes façons, même si Maman et Papa ne veulent pas, quand je serai grande, et chez moi, j’aurai un chien, et des chats ». Il est vrai que son grand frère est chouïa allergique à tout ce qui porte poil, alors, elle prend son mal en patience, il y a des cochons d’inde sous l’abri du jardin, en attendant mieux………

    Ce soir, c’est Samedi, nous sommes réunis, en famille autour de la table du salon pour un apéro dînatoire. La gamine est en pleine discussion avec son père, ces deux là s’adorent pour sur ! Elle lui annonce que, plus tard, quand elle sera vétérinaire, elle voyagera à travers le monde, elle parle de La Guadeloupe, c’en est trop pour ce Papa blagueur : 

    « Quoi, te laisser partir si loin ! Mais tu n’y penses pas, rétorque t’il, lui qui, pour son travail, parcourt le Monde, tout cela sent le petit jeu, plaisant de celui qui veut avoir le dernier mot. Elle se doute qu’elle risque de ne pas gagner, Papa est beaucoup plus fort qu’elle dans ces échanges express, c’est d’ailleurs lui qui reprend, sans la laisser répondre :

     

    • Il n’est pas question que l’on te laisse partir si loin, quand tu auras ton diplôme de vétérinaire, on t’achètera un cabinet dans le quartier !

    • C’est bien gentil, répond elle, mais dans le quartier, il n’y aura pas assez d’animaux à soigner……..

    • ……………. Eh bien, on t’achètera des chiens malades !

     

    Le père gagne par échec et mat, au quatrième coup !

     

     

     

  • De comptoir

     


     

     

     

    C’est dans mon bar que ça se passe, attention, quand je dis MON bar, je n’ai aucune prérogative sur la possession de l’établissement. C’est mon bar car je l’ai choisi, certes pas le plus près de chez moi mais le café y est bon, un petit mélange d’arabicas très doux, pas de ces robustas infernaux qui te détruisent le tube à la première gorgée, te laissant pour de trop longues minutes un affreux goût terreux,non ,là, pour le prix d’une lavasse, on te sert un expresso délicat, on t’accueille toujours avec un petit mot, comme une petite attention, même si tu n’y viens pas tous les jours, l’impression d’être attendu, ça fait toujours plaisir.

     

    Foin de caféine ce matin, il est presque onze heures, un petit ballon de Sauvignon sera le bienvenu, pour oublier cet Avril trop froid, la pluie, bénédiction des ruraux, grise mine des citadins.

     

    Au comptoir, deux habitués, on se connaît, un peu, relation de bar, pas relation d’ivrognes, ils viennent, comme moi, car le café est un nectar, ils ne boivent que ça ici, plusieurs fois par jour, leurs tabourets de bar semblent maintenant moulés à leurs popotins. On se salue, 2,3 mots, du banal, pas plus, ils sont déjà en pleine conversation et puis, avec mon canon de blanc aujourd’hui, nous ne sommes pas du même monde, ne partageons pas les mêmes rêves, les mêmes espoirs, je m’assois donc un peu à l’écart, presque en face de l’entrée du troquet, je n’ai jamais aimé, au restaurant, en réunion ou au bistrot, tourner le dos à l’entrée principale.

     

    Le journal du jour est en main, je m’affale donc, gentiment, sur la banquette surélevée, au coin du bar mais……… face à l’entrée ! Ne me reste plus qu’a tendre les esgourdes discrètement, va savoir, si un brève fuse, soyons attentifs. Les deux habitués parlent politique, sans discrétion, mais sans ostentation non plus, ils discutent de Dimanche, ils ont tous les deux voté Marine, par révolte, par colère, désabusés. Ils ont hésité, un peu, d’un extrême à l’autre, de Jean Luc à Marine. Et puis la haine des Gris l’a emporté, a fait leur choix, de toutes façons, ils ne voteront pas pour le Président Zébulon au second tour. Je ne mêle pas à leur conversation, pas envie d’un débat stérile, ça ne servirait à rien, pas envie de leur démontrer qu’ils ont tort, pas envie de passer pour un juge, pas le moment, pas le temps, et puis je suis qui,moi, pour faire la leçon, moi qui, si souvent m’interroge sur la faible lueur qui me pousse à aller voter pour des politiciens qui prônent des valeurs morales et une rigueur qu’ils ne s’appliquent pas à eux même .

     

     

    Mais en sortant, en les saluant, je me retiens quand même de leur rappeler que ce café, qu’ils aiment au moins autant que moi, il a été découvert, d’après la légende, par un berger arabe qui, voyant que ses chèvres étaient prises d’un sursaut d’énergie après avoir consommé les cerises du caféier, avait eu l’idée de faire griller les grains……..