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Théatreux

 

Nous sommes en 2004, il y a presque 2 ans, dans ce village, comme dans beaucoup de villages de France, les électeurs ont voté très fort au premier tour pour le Front National, on se souvient du choc qui en a suivi. Dans la commune, comme souvent, il y a une petite troupe de théâtre amateur ; j’aime beaucoup ces petites troupes de campagne : même si l’on y joue plus souvent de bonnes grosses farces rurales que du Valère Novarina, chacun, acteur comme public, y a sa place et puis, tout le monde comprend ce qu’il raconte, ce qu’il voit. Dans les salles des fêtes ou d’animation rurale, c’est selon, se dépêchent, quelques soirs par an, un public qu’on ne verra jamais dans les salles officielles, on vient en famille, le tarif le permet, certains même ont fait toilette. Ce petit théâtre rural mérite le même respect que celui, souvent subventionné, et parfois incompréhensible pour les masses laborieuses, dont certaines « élites » s’extasient avec bruit. Je connais depuis longtemps cette petite équipe de comédiens amateurs : depuis des années, Gérard, le fondateur et véritable âme du groupe a entraîné dans l’aventure famille et amis. Il me sollicite régulièrement pour un conseil, un coup de main pour une bande son, je l’aide avec plaisir, avec joie même, j’aime sa passion et son dévouement.

Il y a deux ans, Gérard est décédé, brutalement, quelques jours avant les représentations, laissant à tous un sentiment de désarroi profond. Quelques semaines après, sa veuve me demande de reprendre l’affaire, de finir le travail commencé, devoir de mémoire. On a relevé la tête, j’ai repris le rôle de Gérard, c’était très émouvant, le spectacle a continué. En cet automne 2003, je décide de monter un spectacle différent, pas de pièce rurale cette année mais un spectacle de sketchs, cela permettra à chacun de se mettre réellement en avant, et ce sera plus léger pour tous, sauf pour moi, les acteurs ne seront pas obligés d’assister à toutes les répétitions. C’est un grand fourre-tout que ce spectacle : du Jean Yanne, qui vient de mourir récemment, du Topor, du Desproges. On monte également le délicat et cruel « Venise zigouillée », de Jean Michel Ribes.

 

Je décide de terminer la soirée en interprétant « Les rues de Paris ne sont plus sures », extrait du deuxième spectacle de Desproges, ce sketch, violemment anti-raciste, raconte l’histoire de Monsieur Rachid Cherquaoui, épicier arabe ET travailleur qui reprend le commerce d’un Monsieur Lefranc, gaulois de souche, dont l’épicerie périclite : les mots de Pierre Desproges laissent un écho étrange dans ce village qui a peur des Arabes :

 

 

« Pour des fainéants, c’est incroyable de voir à quel point les épiciers arabes se lèvent tôt et se couchent tard…… », écrit le provocateur.

 

 

 Le silence est glacé, mais c’est bon, trop bon, j’ai des frissons dans le dos ! Ils sont 10, peut être 15 à comprendre vraiment et leurs rires me font du bien. Ils viendront me toucher la main, me remercier quelques minutes après le spectacle.

 

 

 

En Avril 2012, j’ai, depuis longtemps, quitté la troupe, Marine arrive deuxième au village, mon petit coup n’aura pas servi à grand-chose, je ne m’y attendais pas, mais, pour moi, ne pas être consensuel, se mettre en danger quand on est comédien, même amateur, c’est important !

 

Commentaires

  • Le combat est partout. Indiviudel d'abord. Ne lâchons rien.

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