L'autre temps
Je ne suis pas un inconditionnel nostalgique, pas un adepte du : « c’était mieux avant », la vie avance, de plus en plus vite, certes, et notre civilisation du « vite fait » ne fait rien pour arranger les choses mais, c’est comme ça, reculer ne sert à rien.
Je n’oublie pas cependant que nous nous bâtissons sur l’héritage de nos ancêtres, que, par exemple , le hard rock est un héritage du blues,lui-même devant beaucoup au jazz, qui lui-même s’est inspiré de la musique classique, j’arrêterai là cette exemplaire mise en abyme……….
J’étais, l’autre après midi, dans un petit village surchargé de soleil et de passé historique où se tient, entre autres choses, un Musée des traditions populaires et régionales, monté, presque toute seule, au départ, comme une grande, par une petite bonne femme du nom d’Alice Taverne.
Ce petit musée survit, bon an mal ans, de plus en plus difficilement face aux assauts des écrans virtuels qui tronquent la beauté des choses en en montrant que des images.
Pas de nostalgie, non, mais un avertissement, seulement.
Nos architectes, nos ingénieurs, nos artistes quels qu’ils soient, n’ont pas appris qu’en regardant des images, ils se sont, c’est certain, à un moment ou à un autre retournés vers le passé pour construire l’avenir. Les musées sont, quoiqu’on en pense des témoignages vivants, ne les laissons pas mourir…….
Commentaires
Mais aussi : les écrans entrent dans les musées, de plus en plus. Ils apportent une information ludique et pédagogique non négligeable. Une alliance est possible. L'autre aspect est que le métadiscours sur les choses devient plus important que le regard sur l'oeuvre ou l'objet. C'est une transformation en profondeur de la société. Parfois, je suis entouré et j'étudie tellement d'objets et d'oeuvres, que je suis saisi par le sentiment d'être submergé par une hypermnésie et il me vient l'idée iconoclaste que tout ça devrait disparaître, pour laisser respirer l'avenir. Etrangement, c'est un des sujets de mon dernier roman (inédit).
PS : Merci pour mise en abymes avec un "y". il est de plus en plus rare de le voir écrire correctement.
"écrit correctement" et voilà. J'avais repris ma phrase, meilleur moyen pour faire une faute.
Cher Maître, avec l'aimable et gracieuse autorisation de son auteur, voici un article consacré à madame Alice Taverne et son musée. Il est paru dans "Le Progrès", le 11 avril 2004.
Le musée Alice Taverne, le musée d'une grande dame
Robert Bouiller réside à Ambierle, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Roanne. Il a été conservateur du musée Alice Taverne. Il a personnellement connu cette dernière. Il nous raconte comment à force de volonté et de courage cette femme, hors du commun, réussit à créer un musée unique en son genre.
Le père d'Alice Taverne, Louis Taverne, travaillait aux chemins de fer, à Paris. C'est pourquoi elle fit ses études dans la capitale. Après le décès de sa mère en 1926, elle resta auprès de son père. Celui-ci prit sa retraite en 1930. Il retourna dans son bourg natal d'Ambierle. Par dévouement, Alice Taverne l'accompagna. Elle était alors âgée de vingt-six ans. « Alice Taverne était une passionnée de sciences et de culture, raconte Robert Bouiller. A Paris, elle côtoyait les milieux intellectuels et scientifiques que fréquentait son père. Les quitter fut pour elle un véritable déchirement.» Alice et Louis Taverne habitèrent une maison ayant appartenu aux grands-parents maternels d'Alice. Cette demeure, située à l'entrée de la commune, s'appelait l'Oasis. Pour occuper leurs loisirs, les Taverne menèrent des recherches archéologiques à Ambierle. Tous les Ambierlois ne comprirent pas l'intérêt de tels travaux. Ils prirent les Taverne pour des originaux ou des loufoques. Alice et Louis Taverne découvrirent les vestiges d'une villa gallo-romaine, en 1935, et un site celtique, en 1937.
Un projet assez mal accueilli
La seconde guerre mondiale obligea les Taverne à arrêter définitivement leur fouilles archéologiques. Ils se consacrèrent alors à la création d'un musée du terroir. L'idée leur en était venue avant guerre. Ce projet renforça dans leurs convictions ceux qui les prenaient déjà pour des farfelus. Chez d'autres, il suscita l'incompréhension voire l'hostilité. Alice et Louis Taverne entreprirent tout d'abord de collecter les objets d'antan. « Ce travail, précise Robert Bouiller, fut réalisé de manière scientifique, suivant un plan méthodique de recherche élaboré par Alice Taverne. Les Taverne furent aidés dans leur quête par l'industriel roannais Paul Fortier-Beaulieu. Il facilita leurs déplacements en les transportant en auto. Les objets recueillis envahirent l'Oasis. Leur acquisition ne fut pas facile. Souvent les propriétaires refusaient de s'en défaire parce qu'ils étaient des souvenirs de famille ou «qu'ils pouvaient encore servir». Les Taverne n'avaient pas non plus toujours les moyens de les acheter. Ainsi par exemple, l'abbé Claude Bouillet, qui avait été curé d'Ambierle de 1899 à 1928, avait constitué une collection remarquable. Dans les années 1940, elle fut vendue par le conseil paroissial. Avec toutes leurs économies, les Taverne ne purent acquérir que les pièces maîtresses. Les autres furent dispersées à tout jamais.
L'extraordinaire courage d'Alice Taverne
Le décès de Louis Taverne, en 1946, plongea sa fille dans une dépression qui dura deux ans. Elle surmonta cet état afin de terminer l'oeuvre commencée avec son père. A cause de l'énormité de la tâche, des amis tentèrent, en vain, de l'en dissuader. En 1950, Alice Taverne acheta un immeuble appartenant aux religieuses de l'ordre St-Charles pour y installer son musée. Le prix demandé par les Soeurs l'obligea à vendre sa maison et ses biens. «Après cet achat, confie Robert Bouiller, Alice Taverne vécut dans un certain dénuement. Elle sacrifiait l'essentiel de ses maigres revenus au musée. Pour les besoins de celui ci, elle allait jusqu'à se priver de chauffage ou de nourriture alors qu'elle était de santé fragile. Elle effectua elle même un grand nombre de travaux. Pourtant, elle ne sollicita jamais d'aide officielle. Elle s'y refusait par fierté et esprit d'indépendance.» Alice Taverne affronta de nombreuses difficultés matérielles, physiques, morales, avant de pouvoir ouvrir le Musée de la Paysannerie et de l'Artisanat Foréziens, en 1951. Il comportait six salles. Le musée fut inauguré par le préfet de la Loire, en 1952. Cet évènement ne souleva pas l'enthousiasme d'Alice Taverne qui appréciait peu les honneurs et les mondanités. Jusqu'à sa mort, avec toujours aussi peu de moyens, elle continua à enrichir le musée et ses collections. Elle porta le nombre de ses salles à vingt en 1956 puis à quarante en 1962. Alice Taverne disparut le 29 octobre 1969 alors qu'elle venait de terminer un nouveau programme de remaniement du musée. Conformément à ses dernières volontés, elle fut inhumée dans le jardin de ce dernier. Ce fut dans les années 1960 que le Musée de la Paysannerie et de l'Artisanat Foréziens prit le nom de Musée Forézien. Puis il fut rebaptisé Musée Forézien Alice Taverne en 1972, avant de devenir le musée Alice Taverne en 1981.
ENCADRE 1
Le rôle important d'un père admiré
Alice Taverne est née le 23 mars 1904 à Balbigny où son père, Louis Taverne, était employé à la compagnie des chemins de fer du P.L.M. En 1906, il fut muté à Paris. Il s'établit alors avec sa famille à Maisons-Alfort, dans la banlieue parisienne. La mère d'Alice Taverne, Marie Brelaud, assurait avec discrstion la gestion du ménage. Elle se rendait régulièrement à Ambierle pour s'occuper du fermage des propriétés héritées par son mari. Elle emmenait souvent sa fille chez ses parents, à St-Pierre-Laval, afin de la faire profiter des bienfaits de la campagne. Comme toutes les jeunes filles de bonne famille, Alice Taverne apprit la musique, le chant, les travaux d'aiguilles et de couture. Cependant, elle était davantage passionnée par ses études qu'elle poursuivait à Paris. Elle aimait en particulier l'art, la linguistique (elle avait étudié le grec ancien et l'hébreu), les sciences biologiques et historiques. Son père la fit profiter de son savoir. Esprit ouvert, grand érudit, chercheur (1), il lui apporta énormément. A six ans, Alice fut fascinée par les fossiles. Pour qu'elle puisse en voir, son père la conduisit dans des carrières. Il l'aida à constituer une collection dans laquelle figurèrent également des minéraux. Quand Alice montra son intérêt pour la botanique, il l'emmena herboriser et lui apprit à faire sécher les plantes. Plus tard, il lui transmit ses connaissances en archéologie, préhistoire, histoire et sciences diverses. Il la mena dans les musées, les expositions, les conférences. Il lui fit connaître de grands professeurs, des savants. Il lui parlait de ses recherches, débattait avec elle de questions scientifiques ou culturelles. Toute sa vie Alice Taverne voua à son père une admiration et un attachement exceptionnels.
- (1): Le Centre de Recherches Ethnologiques du musée Alice Taverne a publié une brochure sur la vie de Louis Taverne et ses recherches qui portaient sur le vol des oiseaux.
ENCADRE 2
Le musée Alice Taverne, un musée à nul autre pareil
Le musée fondé par Alice Taverne à Ambierle est unique en son genre à plusieurs titres. En général, les musées sont l'oeuvre d'équipes de professionnels. Alice Taverne n'était pas muséologue et créa son musée seule. De plus, à son époque, les musées étaient plutôt une affaire d'hommes. Les musées bénéficient de l'apport de fonds publics ou privés. Alice Taverne ne reçut aucune subvention. Le musée engloutit tous ses modestes biens. Pour le reste, il ne dut son existence qu'au courage et à la volonté remarquables de sa créatrice. Le musée Alice Taverne fut le premier dans la Loire à s'occuper d'ethnologie locale et à lui appliquer des méthodes scientifiques. La conception de ce musée est totalement originale. En dehors des vêtements et des faïenceries roannaises, il n'expose pas d'objet en vitrine. Il propose aux visiteurs un véritable voyage dans le temps en lui présentant des reconstitutions des lieux de vie et de travail d'autrefois. Alice Taverne a souhaité que ces reconstitutions allient harmonieusement le réalisme à l'esthétisque. Ainsi est-elle parvenue à l'union de la science et de l'art. A partir de 1970, le musée constitua une bibliothèque. A l'heure actuelle, elle comprend plus de six-milles ouvrages relatifs à l'ethnographie du département de la Loire et sciences connexes. Elle est ouverte aux chercheurs. En 1972, Robert Bouiller, successeur d'Alice Taverne, dota le musée d'un centre de recherche portant le nom de Centre de Recherches Ethnologiques du musée Alice Taverne. En 2004, une salle du musée rappellera le souvenir d'Alice Taverne, à l'occasion de son centenaire. Le musée est ouvert tous les jours du 1er février au 30 novembre, de 10h00 à 12h00 et 14h00 à 18h00, tél: 04.77.65.60.99
ENCADRE 3
La succession d'Alice Taverne
Robert Bouiller fut le premier successeur d'Alice Taverne, la fondatrice du musée portant son nom. Originaire de la Côte Roannaise, Robert Bouiller travaillait au Service Géologique National. Au début des années 1960, il devint bénévolement le collaborateur d'Alice Taverne. Celle-ci voulut qu'après elle, il puisse poursuivre l'oeuvre. Alice Taverne disparut en 1969. En 1980, le musée acquit une nouvelle renommée grâce à la diffusion nationale du livre que lui consacra Joël Cusnot. Cela favorisa la reconnaissance officielle des Musées de France en 1981. Robert Bouiller obtint de cette administration qu'elle recueille les collections si un jour le musée venait à fermer. Dans le même temps, le musée était devenu propriété de l'Association des Amis du Musée d'Alice Taverne. Cette association avait été créée par Robert Bouiller afin d'assurer la pérénité du musée. Robert Bouiller continua d'assurer la direction et l'animation du musée, gratuitement. En 1982, grâce à la politique de Jack Lang, l'association put salarier Robert Bouiller. Il abandonna alors sa profession pour se dévouer entièrement au musée. Ce dernier fut lauréat du concours de la Fondation des Pays de France en 1983. Ce prix permit de financer la moitié d'un hangar destiné aux grosses machines agricoles. L'autre moitié fut payée par la commune d'Ambierle. Actuellement Henri Bertaud est président de l'Association des Amis du Musée d'Alice Taverne, Robert Bouiller en est le secrétaire. Tout comme il le faisait avant 1998, aujourd'hui il poursuit des recherches, travaille à la publication d'ouvrages et donne des conférences.