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Préméditation

Ca ne pouvait plus durer, ça n’allait plus durer, plus possible, plus tenable, elle allait devoir sévir. Pourtant, elle l’avait aimé, passionnément, éperdument, lui aussi l’avait aimée, c’était sur ; Il n’y aurait pas eu toute cette tendresse, tout cet amour, toutes ces caresses, s’il ne l’avait pas aimée. L’amour, l’énorme amour, ne dure pas plus de 3 ans, dit l’adage. Foutaises ! Depuis plus de 15 ans qu’ils étaient mariés, et il y avait eu 6 ans de vie commune auparavant, depuis toutes ces années, ils avaient vu  tous leurs amis  se séparer, divorcer, se déchirer  mais eux, non, rien n’avait changé, les copains les jalousaient, gentiment, les adoraient même, on était si bien accueillis chez eux, la tonnelle ombragée attenante à la maison avait accueilli tellement de fous rires, d’apéros et de longues soirées d’été dont on ressortait parfois bien grisés :

« Allez, disaient ils, vous allez bien rester dormir ici ce soir, de toutes façons, la chambre d’amis est prête ! Et puis, Sylvain, tu as peut être un peu trop apprécié ma poire pour reprendre le volant, on est samedi soir, plutôt Dimanche matin, il y a des bleus partout avec des alcootests, restez donc dormir ! Demain matin, j’irai chercher les croissants, et puis tiens, Sophie, depuis le temps que je te dis que j’ai du mal à installer ce foutu logiciel de photos, ce sera l’occasion…… » Impossible de refuser je vous dis !

Toutes ces années de bonheur, plus de 20 ans maintenant, mais que se passait il ? Pourtant rien ne semblait  changé. Régulièrement encore, comme aux premiers jours, il lui offrait des fleurs, des bouquins, il y a 3 jours encore, il revenait avec un paquet de moka de Harrar, le café de Rimbaud. Elle aimait tellement ça, l’odeur de la mouture fraîche, la saveur tellement unique du grain qui n’avait pas subi les outrages des broyeurs industriels. Le bonheur semblait s’écouler  paisible encore et pourtant……..

 Depuis bientôt un  an qu’il avait pris de nouvelles responsabilités dans son entreprise, il rentrait de plus en plus souvent un peu plus tard, un peu TROP tard ? A part cela, elle n’avait rien constaté d’autre, pas d’ignobles cheveux blonds sur ses vêtements, pas de parfums putassiers, rien, rien, mais le doute. Elle ne lui avait pas fait les poches, pas écouté a son insu sa messagerie de portable, juste de temps en temps épiait elle ses boites mail, c’était facile, les codes d’accès collés sur un Post it en bas de l’écran de l’ordi facilitaient la tâche, et là encore,  rien, rien. Ils faisaient autant l’amour qu’avant, et toujours aussi bien, tout allait pour le mieux, mais le doute, le doute qui te bouffe, te déchire et t'assaille......

 

Elle s’était renseignée, documentée, Google, Wikipédia, l’Affaire Marie Besnard,, la Marquise de Brinvilliers, la Voisin, les insecticides, la strychnine, la  mort- aux rats, l’arsenic, le  « Tue taupes 10 ». Elle avait mélangé, dosé savamment, pilé les comprimés dans le mortier en acier brossé qu’elle avait acheté tout exprès et qu’il avait trouvé très joli, très sobre, comme il aimait.

En relisant, par hasard,  «  Les Chroniques de la Haine Ordinaire » de Pierres Desproges, elle avait défini la date : « Quant au mois de Mars…. Il ne passera pas l’hiver ». Elle avait distillé, dosé savamment, minutieusement, la drogue qui éteindrait  celui qu’elle pensait odieux, éteindrait elle le  doute ?

 

Ce soir s’achevait Mars, sa vie ne tenait plus qu’à un fil, Poison d’Avril.

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