Retraite
Il n’avait pas cherché longtemps. Son terrier, son antre, il le connaissait depuis longtemps. Cette maison blanche, au bout de la route, dans un hameau perché des Cévennes, il la connaissait pour y avoir passé quelques jours quand il était adolescent. Un coup de téléphone, elle était disponible, il l’avait louée, investie pour quelques mois, un bouquin à écrire, un ermitage souhaité et studieux. Pas non plus trop strict l’ermitage, la maison était assez grande pour y accueillir des amis de passage ! Mais il y avait la route à faire, les visites seraient limitées, il le savait, ça l’arrangeait. La première ville n’était distante que d’une petite vingtaine de kilomètres, avec la voiture, il pourrait, quand le besoin s’en ferait sentir se faire une toile ou boire un demi pression.
Il n’avait emmené avec lui que le minimum pour un exil pas trop spartiate : l’ordinateur, évidemment, mais sans connexion internet, le disque dur dans lequel il stockait toute sa musique, quelques bouquins, des dictionnaires, son vieux percolateur dont il ne savait se séparer très longtemps, le broyeur à café, le blanc, quelques kilos de grains, de ses précieux arabicas, la non moins précieuse malle, qui contenait ses malts chéris, juste de quoi bien remplir le coffre de l’auto.
Devant la maison, sur la terrasse dallée de pierres, il avait acheté un salon de jardin en teck, il le laisserait peut être en repartant, s’il repartait jamais.
Comme le début du printemps était encore un peu frais, il avait, le premier soir, fait une flambée dans la cheminée, ça commençait bien, il devrait pouvoir écrire………………..
Commentaires
Cher Maître, adolescent, il n'avait jamais eu l'occasion de séjourner dans les Cévennes ou ailleurs. L'idée d'aller s'y semi cloîtrer était enivrante. Mais il ne pouvait sacrifier sa famille et ses amis à sa vocation cachée.
De toute façon, il ne possédait pas d'automobile ni d'ordinateur. Il ne consommait que du café soluble. Il ne professait aucun penchant particulier pour le whisky. Il ne s'intéressait pas vraiment au mobilier de jardin.
Non, décidément, c'était sans espoir. Il ne serait jamais écrivain. Il haussa les épaules et poussa un soupir de tristesse avant de se remettre au travail. Il lança alors la rotative réservée à l'impression du dernier ouvrage d'un grand auteur.